6 heures de tournage, ça use, ça use...
Restait à en dénicher un deuxième. C’est que les carlins, c’est comme les toilettes publiques : on en voit partout, sauf quand on en cherche. Après quelque temps de recherches semi-infructueuses, j’ai fait la rencontre de la dernière chance dans les bois. C’était Vulcain, un beau mâle carlin, accompagné de sa maîtresse, très sympa et intéressée par ma proposition. Pour les enfants de la famille, c’était la fête, leur Vulcain allait être une star !
Après une première rencontre pour vérifier que les deux chiens s’entendaient bien, nous étions prêts pour le grand jour.
Rendez-vous 11 h au parc de Gerland. Euh, non, la prod change de programme, rendez-vous à 10h. Heu, non. Coup de fil à 8h du mat : ils ont du retard, rendez-vous 10h30. Ca commence bien…
Nous voilà donc à 11h moins le quart au parc… Personne. Pas l’ombre d’une caméra ou d’un camion de tournage. Je téléphone : « Ah oui, on a encore un peu de retard. Attendez-nous au café, un régisseur va s’occuper de vous ! ». Une heure et une promenade de chiens plus tard, toujours rien. Au bout d’un moment, on finit par apercevoir les acteurs, qui poirotent depuis 8h30, ne savent pas quand ça va commencer et ont un peu peur des chiens… Ca continue bien !
Et puis l’équipe arrive enfin. « On va faire des essais, et puis on mange ». Résultat, après 10 minutes à tourner les chiens dans tous les sens, on décide qu’on verra ça après le déjeuner. Une bonne heure de pose… Si on avait su, on serait venus à 14h !
Regardez le mec au centre qui fait "viseur de caméra" avec ses mains. Ca fait pro, non ?
Bref, après 3 heures de poirotage et un bon repas, tout de même, nous voilà enfin dans le feu de l’action. Le « décor » (un poteau d’arrêt de bus) se monte : comptons un petit quart d’heure pour trouver sa place définitive.
Et puis c’est les tests lumière, qui vont durer près d'une heure. Enfin, ça va être à nous ! Les chiens en ont déjà un peu marre, et malgré les sorties régulières, on sent qu’ils n’ont plus l’enthousiasme du départ. Quelques essayages plus tard, Vulcain se voit paré d'un superbe harnais noir à strass et Bambou d'un ensemble laisse-collier marron. Très chic !
15h : on arrête tout ! L’acteur a un problème de baskets, qui, selon l’accessoiriste, ne sont pas de la bonne couleur. On ne peut donc pas tourner la scène avec les chiens. Ben oui, c’est évident ! S’il a des chaussure rayées bleu et vert alors que le scénario prévoyait des chaussures rayés rouge et jaune pour ce plan qui durera 3 à 4 secondes au final, c’est sûr, il faut trouver une solution ! Résultat, pendant que les chiens se tassent sur eux-mêmes, les accessoiristes fouillent parmi les paires de chaussures et entreprennent même de les repeindre. Les acteurs, eux, gardent inlassablement la pause depuis deux heures. Entre temps, la maîtresse de Vulcain a dû repartir travailler. C’est donc moi qui m’occupe du chien. Hyper sociable, toujours content, du moment qu’on lui gratouille les fesses, le petit Vulcain n’en est pas traumatisé. Bambou, elle, plus impatiente, commence à vraiment trouver le temps long. J’avais pourtant insisté pour que la scène des chiens se fasse rapidement, car au bout de 5 heures passées côte à côte, ils n’auront plus du tout envie de se renifler les fesses (ce qui est quand même le but de l'opération) !
Et ce qui devait arriver arriva. Quand vient enfin l’heure de tourner (16h), les carlins n’en ont plus rien à faire l’un de l’autre. Ils restent debout sans bouger, à regarder vers nous, l’air de dire « et maintenant, on s’en va ? ». Bambou fait même quelques tentatives pour s’échapper et rejoindre sa maîtresse. Résultat, je sors mon arme fatale : je les frictionne tous les deux au jambon cru, tout en en coinçant quelques lamelles dans leurs colliers. Et comme par magie, le charme opère ! Ouf ! Vulcain, peu intéressé par la gent féminine à 4 pattes, mais gourmand comme pas deux, trouve soudain de l’intérêt à renifler sa petite copine jambonisée. Après 6 ou 7 prises, le soleil qui se couche vient à notre secours ! Pour une fois, je dis merci à l’heure d’hiver ! Plus assez de lumière pour tourner, on remballe !
Il aura fallu 6 heures pour tourner cette séquence de quelques secondes. J’ai beau me dire que je sais comment ça se passe, qu’à chaque fois, on poirote et on règle 900 détails avant de s’occuper des animaux, je n’arrive toujours pas à m’y faire. Heureusement qu’on était au parc et qu’on a pu promener les chiens.
Et puis la production leur a offert des nonos ! En tout cas, avec cette expérience, j’ai eu une révélation. Au cas où j’hésitais encore, je sais maintenant que je ne serai pas actrice !
La publicité devrait être en ligne sur keolis.com à partir de mi février