Propriétaire de chien : un citoyen de seconde zone ?

Publié le par yannick thoulon

J’ai un chien. C’est grave, docteur ?

 

Parfois, on se demande si avoir un chien, ce n’est pas pire aux yeux de certains de nos concitoyens que d’avoir la peste. Par pitié pour les lépreux que nous sommes, les élus nous réservent quand même quelques petits espaces clos, bien isolés du reste de la population, au cas où nous serions contagieux. Ces léproseries indignes, minuscules, boueuses et jonchées d’excréments, sont abandonnées des pouvoirs publics (aucun entretien de l’herbe, aucun arrosage…) et ne sont pas respectés de leurs utilisateurs, qui, dégoûtés et désabusés, ne font rien pour les maintenir « dans l’état où ils les ont trouvés ».

 

Pourquoi ce soudain accès de rage, ou plutôt de dégoût ? Parce qu’après un ersatz de concertation à la mairie du 4e, celle-ci a décidé, malgré tous nos arguments positifs, de nous supprimer le seul parc public lyonnais où les chiens étaient admis en liberté (« nous », ce sont les propriétaires de chiens responsables utilisateurs du parc, et les membres du Museau sur l’Asphalte). Ah non, pardon, ils ne nous le suppriment pas. Ils veulent nous y construire un joli petit enclos dans un coin, comme ça on sera bien contents, et le reste de la population sera bien protégée ! Et pourquoi nous le supprimer ? Parce que les chiens, c’est sale, c’est bruyant, c’est dangereux, c’est dérangeant, ça sent pas bon, ça a des poils, c’est « carnivore » (sic).

  C’est d’ailleurs pour ça que plus d’un quart des foyers français (26,3 %) ont décidé d’en avoir, que près de 80 % d’entre eux ont pris cette décision pour faire plaisir à leurs enfants, et que 56 % des français déclarent que le chien est leur animal favori (http://www.vetopsy.fr/histoire/statutact_cn.php)

 

 

Que je vous plante le décor. L’histoire se passe rue chazière, connue pour son immense parc très joli, totalement interdit aux chiens, contenant plusieurs pelouses de pique-nique et plusieurs aires de jeux pour enfants. Rue chazière, il y a aussi deux terrains de sport ouverts aux jeunes et interdits aux chiens : un de foot, un de basket. Il y a encore une aire de jeu pour enfants interdite aux chiens, juste en face de la crèche. Trois rues plus loin, on trouve aussi un grand parc (Popy) interdit aux chiens –sauf dans une petite « aire à chiens » insalubre et nauséabonde. Et enfin, il y a le parc chazière, qui jusque-là était inconnu du grand public, et où les pestiférés que nous sommes avions trouvé refuge.

Un samedi matin, lors des balades canines organisées par le Grand Lyon. Les chiens jouent, les humains discutent, les enfants s'amusent... Mais certains y trouvent quand même à redire.

 

A force de le fréquenter, nous avons passé le mot aux habitants « sains », ceux qui n’ont pas de chien. Ceux-ci ont trouvé ce parc authentique et fort agréable. Toutefois, certains bien pensants trouvaient la présence des chiens un peu gênante. Sans parler de la crèche toute proche, qui craignait pour ses petits protégés. Pour prouver que nous n’étions pas tous de gros méchants, nous avons fait des campagnes d’information et de responsabilisation des maîtres, en leur demandant de ramasser les déjections de leurs chiens et de tenir leurs toutous en laisse jusqu’au fond du parc, pour éviter d’inquiéter la crèche. Nous avons organisé un grand nettoyage du parc et accepté de faire « la police » auprès des propriétaires de chiens en installant des permanences pendant 5 semaines. Ca n’a pas été vain. Les maîtres de chiens ont bien suivi la consigne, le parc était quasi impeccable – on y trouvait plus de déjections humaines que canines. Nous n’étions plus que tolérés, mais nous avions un sursis. Là-dessus sont venus s’installer des jardiniers. On a d’ailleurs trouvé ça très sympa, ces petits potagers à l’entrée du parc. Et tant pis si ça nous prenait un peu d’espace. Le parc est assez grand pour tout le monde, pensions-nous. Naïfs que nous étions ! Peu à peu, les jardiniers aussi nous ont trouvés gênants. Il faut dire que certains d’entre eux, propriétaires de chiens, ne ramassaient pas les déjections de leurs chers toutous, qui faisaient bien sûr devant la grille du jardin, car c’est là que se trouvaient leurs maîtres. On peut comprendre que ça énerve les cultivateurs de salade, mais à qui la faute ?

 

Résultat, après plusieurs années d’utilisation tolérée (au moins 6, puisque j’y allais quand j’ai eu ma chienne), trois ans d’expérience pilote officielle grâce au Grand Lyon, dont une année test où nos moindres faits et gestes ont été surveillés, mais où tout s’est bien passé (à part un incident : un chiot a fait pipi sur la veste d’un enfant, dont la mère a porté plainte ! Le prochain gosse qui me met ses doigts baveux sur le pantalon ou qui me régurgite dans le corsage, j’attaque la mère !), on décide arbitrairement que non, ce n’est décidément pas possible. « On va vous enfermer quelque part avec vos clébards et on n’en parlera plus. »

Quel crime atroce a-t-on commis pour qu’on nous interdise de circuler librement dans les espaces publics ? Je croyais qu’en France, tout le monde bénéficiait de la présomption d’innocence. Tout le monde, sauf les propriétaires de chiens, visiblement… On en a assez d’être considérés comme de dangereux criminels, de se prendre des réflexions dans la rue, d’entendre des enfants de 3 ans dire « Un chien ! Beurk ! Il va faire caca ! ».

On ramasse. On éduque nos chiens. On est des personnes civiques et responsables. On fait attention à ne pas déranger.

Quand on a un chien, on apprend à se faire tout petit. A s’excuser d’exister. A se coller au mur quand on croise des gens. A baisser les yeux et à quitter les lieux quand on nous regarde de travers. Franchement, parfois, on se demande si on est encore citoyens français !

 

Réagissons !

 

Une pétition émise par l’association Le Museau sur l’Asphalte circule pour la conservation du parc chazière en l’état, ouvert aux chiens et aux enfants (qui font très bon ménage. C’est d’ailleurs le seul parc où les petits propriétaires de chiens peuvent s’amuser avec leur animal préféré). Aidez-nous à la signer !

Nous engagerons probablement d’autres actions dans les semaines à venir. Nous vous tiendrons au courant.

 

Pour info, dans d’autres pays, de nombreux parcs comprennent des zones immenses où les chiens sont admis sans laisse. Ce ne sont pas des enclos, mais de réels pans de parcs de plusieurs hectares. Les usagers sont au courant qu’ils risquent d’y croiser des chiens. S’ils les aiment ou que les chiens ne les dérangent pas, ils peuvent y aller. Sinon, ils vont dans le reste du parc. C’est aussi simple que ça.

 

Pour plus d’info, merci de contacter l’association Le Museau sur l’Asphalte.

Publié dans coups de gueule

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